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Entretien avec Béatrice Sylvie, artiste en résidence chez PRAKSIS

Nous avons eu la chance de nous entretenir avec Béatrice Sylvie, au sortir de sa résidence chez nos partenaires PRAKSIS, à Oslo. À la fois fascinée par l’univers de la joaillerie, des pierres, tout en étant consciente des enjeux qui pèsent sur le secteur (authentification, traçabilité, durabilité, transparence, etc.), elle nous donne un aperçu de son parcours et de son ressenti à la suite de ce séjour en résidence.

Bonjour Béatrice, Peux-tu nous parler de toi, nous expliquer succinctement ton parcours jusqu’à aujourd’hui ?

J’évolue dans l’univers de la mode depuis une vingtaine d’années, plus précisément dans le domaine du luxe, et je vis à Paris. Je me suis retrouvée très tôt dans cet univers et l’ai donc embrassé très rapidement, par le biais de rencontres avec des professionnels de l’image et de la photographie. Il se trouve que les années 2000 sont une décennie fructueuse à Paris, particulièrement en termes de diversité créative.

J’ai emprunté le chemin de maisons de couture telles que Christian Dior, en travaillant à établir des relations privilégiées avec les clients, à les accompagner, lors des Fashion Week par exemple.

C’est à ce moment-là que j’y ai également découvert la filière développement durable et l’intérêt grandissant porté par les maisons et ses clients face à ces enjeux de transparence et d’impacts sur l’environnement. Ce sont des questions essentielles auxquelles les collaborateurs et clients sont de plus en plus sensibles.

Tu étais en résidence pour un mois, chez PRAKSIS, centre de résidence international basé ici à Oslo, parle-nous de cette résidence, de ton ressenti ?

J’ai donc intégré la résidence intitulée « Your pleasure, our pain » parce qu’aujourd’hui, pour recontextualiser, je me spécialise en joaillerie. J’ai repris des études dispensées à la Haute école de joaillerie de Paris située rue du Louvre, en MBA (Master of Business Administration) pour comprendre les enjeux de la filière à travers les chaines de valeur associées. Cela dans l’optique de monter ma propre maison.

Différents parcours professionnels s’entrecroisent ici à PRAKSIS. Nous échangeons sur les questions d’éthique et d’industrie. Ces rencontres sont donc infiniment précieuses ! 1

Nous avons eu la chance de rencontrer Rudolf Kangwa, lapidaire venu de Lusaka (Zambie). C’est une immense richesse que de rencontrer ces profils de personnes qui sont au cœur même et à l’origine de la chaine de valeur en joaillerie, au cœur de la conservation des savoir-faire et de l’artisanat d’art. Rudolf fait valoir un héritage très local, zambien en l’occurrence, et le faisant voyager au-delà des frontières. Il taille des pierres via différents gabarits (le cabochon étant la plus célèbre forme). Je trouve fascinant d’être au contact de pierres si variées, toutes plus précieuses les unes que les autres, et colorées !

Si tu devais retenir une rencontre, un parcours lié à cette résidence, qui nous présenterais-tu ?

Le parcours et la personnalité de Nanna Melland, artiste joaillère basée à Oslo qui a pris part à la résidence, m’ont beaucoup touchée. Elle nous a présenté son univers et sa démarche très personnelle. Son esthétique et son sens du minimalisme transparaissent à travers tout ce qu’elle collecte (écorce, ongles, etc.) pour ensuite le recouvrir d’or et en façonner des bijoux, véritables objets d’art.

Quels sont les enjeux majeurs qui marquent l’industrie des pierres précieuses selon toi ?

L’immense diversité des pierres requiert toujours plus de contrôle et d’authentification. Il s’agit déjà de distinguer le vrai du faux, de pouvoir les tracer, de connaitre leur histoire, leur donner une identité et les faire certifier. Qui a travaillé la pierre ? Comment a-t-elle été transportée ? etc. Ce sont des questions bel et bien présentes, du côté du client notamment, qui est de plus en plus demandeur de traçabilité. Cela éviterait par ailleurs que le marché arrête de participer au financement des conflits armés, comme cela a pu être le cas à de nombreuses reprises.

Il y a aussi un second enjeu lié aux diamants et pierres de synthèse, qui se confondent avec les « vraies / naturelles ». Comment les distinguer ? C’est à ce moment-là que la certification entre une nouvelle fois en jeu. Certaines grandes maisons ont entrepris de graver les pierres au laser pour les reconnaitre, en y apposant un numéro de série.

Le marché de la joaillerie et de la haute-joaillerie est un marché en pleine expansion. Donc ces logiques de contrôle sont amenées à se répandre si nous voulons éviter de voir se développer un marché parallèle.

Il n’en demeure pas moins que cela reste, à mes yeux, une industrie fascinante, riche de ses formes, couleurs si variées.

Comment vis-tu ton départ d’Oslo ?

Je suis ravie et émerveillée d’avoir découvert cette ville, son ambiance. Les rencontres et l’accueil reçu laisseront des empreintes, ainsi que la richesse des échanges entrepris avec ce groupe de résidents !


  1. Ils étaient huit résidents accueillis par PRAKSIS en ce mois d’août 2024. ↩︎